Une championne du monde inattendue, quoique ...

Cliquez pour agrandir l'image samedi 15 décembre 2012

En 2001, lors du premier tour du championnat du monde organisé par la Fédération Internationale des Echecs, le champion du monde actuel Vishy Anand s'était mis en grande difficulté en perdant la première partie avec les blancs contre le Maître International français Olivier Touzane qui lui rendait pourtant 400 points sur la balance du classement Elo. L'Indien dut avoir recours aux départages en parties rapides pour éliminer son vaillant adversaire. Le système à élimination directe était basé sur une savante succession de cadences de jeu. Chaque match débutait par deux parties lentes puis, en cas d'égalité, se poursuivait par des parties rapides et, en cas de nouvelle égalité, s'achevait par des blitz. Seule la finale débutait par un plus grand nombre de parties lentes.

La FIDE a par le passé décerné plusieurs fois le titre de champion du monde avec le même système. A la suite du schisme provoqué par Kasparov et Short en 1993, trois outsiders ont été couronnés : Alexander Khalifman en 1999, Ruslam Ponomariov en 2002 et Rustam Kasimdzhanov en 2004. Leurs victoires ont été acquises sur l'échiquier et ne souffrent d'aucune contestation. Il est toutefois difficile de classer ces joueurs de talent dans la lignée des champions de légende que sont Lasker, Capablanca, Alekhine, Fischer, Karpov ou Kasparov. En 2005, la FIDE rebaptisera cette compétition "Coupe du Monde" au grand dam de son vainqueur, l'actuel numéro 2 mondial Levon Aronian.

Vous vous demandez sans doute pourquoi j'évoque aujourd'hui ces épisodes cocasses de la grande histoire des échecs.

Je pensais, sans doute naïvement, que la FIDE avait tiré les enseignements de ses errements du passé. Il n'en est rien. Elle vient de décerner une fois de plus un titre de champion du monde à l'issue d'un système à élimination directe basé sur une succession de cadences différentes. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le titre féminin est tombé dans l'escarcelle de l'inattendue ukrainienne Anna Ushenina.

Ne vous méprenez pas sur mes propos. Il ne s'agit pas ici de remettre en question la performance de cette joueuse peu connue de 27 ans qui a vaincu loyalement ses adversaires au terme d'un difficile et long tournoi de trois semaines. Il s'agit plutôt de critiquer le format choisi par la FIDE qui a abouti à décerner le titre féminin suprême à la 37ème joueuse mondiale et 3ème ukrainienne selon le classement du 1er décembre 2012. Ce format, sorte de triathlon des échecs, a conduit à l'élimination précoce de la plupart des favorites (Hou Yifan, Humpy Koneru, Anna Muzychuk, ...) avant même les quarts de finale. En aucun cas, un tel système ne devrait être utilisé pour désigner le(la) champion(ne) du monde de parties dites "classiques". Les échecs ne sont pas un jeu de hasard à condition de veiller à limiter le côté aléatoire de la perte d'une seule partie.

Il est vrai qu'en l'absence de Judit Polgar qui n'a jamais souhaitée participer à cette compétition, le championnat du monde féminin n'a pas le même prestige que le championnat du monde "mixte". Il me semble néanmoins que la compétition se doit de sacrer une des toutes meilleures joueuses du monde. Dans certains sports, le champion du monde est désigné à l'issue d'une compétition d'un jour. Le favori ne gagne pas toujours, parfois rarement. Mais aux échecs, ce titre revêt une importance particulière. Le joueur qui le détient symbolise la discipline auprès du grand public.

Saint-Augustin disait : « Se tromper est humain, persister dans son erreur est diabolique ». Il n'est pas nécessaire d'inviter le diable dans cette affaire humaine mais la FIDE s'est déjà trompée plusieurs fois, espérons simplement que ce sera la dernière.

Revenons à un système plus raisonnable basé sur un nombre suffisant de parties à cadence lente qui permette de désigner un(e) champion(ne) incontestable, digne représentant(e) de notre sport. Un tel cycle est sans doute plus difficile à organiser mais il est aussi plus juste sportivement et ne peut que bénéficier au développement et à la crédibilité des échecs.

La photographie de Anna Ushenina, nouvelle championne du monde, est extraite du site officiel qui propose des images prises par Anna Burtasova, Etery Kublashvili, Vladimir Barsky et plusieurs photographes locaux.
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