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Trop tôt disparus

dimanche 2 mars 2014

Deux grandes figures des échecs mondiaux nous ont quitté récemment. Vugar Gashimov, ex-numéro 6 mondial, est mort prématurément à l'âge de 27 ans, terrassé par une tumeur au cerveau contre laquelle il luttait depuis plusieurs années. Moins connu des plus jeunes, Gyula Sax avait atteint son apogée dans les années 80 lorsqu'il partageait la 12ème place mondiale. Il nous a quité à l'âge de 62 ans d'une défaillance cardiaque. Ces deux décès m'ont touché car j'avais eu l'occasion d'approcher le sympathique joueur d'Azerbaïdjan lors d'une des dernières éditions niçoises du tournoi Melody Amber et parce que le Grand-Maître hongrois était à son zénith pendant la période la plus active de ma modeste carrière échiquéenne.

A l'annonce de ces décès, je me suis remémoré d'autres disparitions précoces de joueurs célèbres. J'ai évidemment pensé à Bobby Fischer vaincu en 2008 à 64 ans des suites d'une défaillance rénale, mais aussi à Mikhail Tal (à 55 ans, d'une insuffisance rénale), à Tigran Petrosian (à 55 ans, d'un cancer de l'estomac), à Lev Polougaevsky (à 61 ans, d'une tumeur au cerveau), à Tony Miles (à 46 ans, d'un arrêt cardiaque conséquence d'un diabète), à Karen Asrian (à 28 ans, décédé en 2008 d'une probable crise cardiaque au volant de sa voiture), à Lembit Oll (à 33 ans, qui s'est suicidé à la suite d'une dépression nerveuse), au Canadien Igor Ivanov (à 58 ans, d'un cancer), au hongrois Janos Flesch (à 50 ans) et à beaucoup d'autres qui nous ont quittés avant l'âge.

A cette évocation, des interrogations surgissent. La longévité de ceux qui ont consacrés leur vie aux échecs serait-elle inférieure à celle du reste de la population ? Quels sont les facteurs qui pourraient réduire l'espérance de vie d'un joueur d'échecs professionnel ?

On peut penser à l'excès de stress lié à la compétition. Vers la fin de sa vie, Capablanca, souffrant d'hypertension artérielle, se verra interdire de compétition par ses médecins. Il mourra néanmoins à 53 ans. On peut aussi évoquer le manque de ressources financières et de protection sociale lié à une activité précaire et peu reconnue. A moins que certains ne pâtissent d'un manque d'activité physique associé à un équilibre et une hygiène de vie insuffisants. Ou peut-être, un état de santé initialement défaillant aurait orienté les plus fragiles vers la pratique d'une activité sans dépense physique apparente.

Toutes ces hypothèses semblent recevables mais il ne serait pas convenable de tirer des conclusions générales à partir de cas individuels.

J'ai longtemps pensé que la pratique du cyclisme professionnel était délétère pour la santé. Les disparitions prématurées de plusieurs champions de renom semblaient confirmer mon impression. Je pense notamment à Louison Bobet (décédé à 58 ans), Jacques Anquetil (à 53 ans), Laurent Fignon (à 50 ans) ou encore à Marco Pantani (à 34 ans), Franck Vandenbroucke (à 34 ans) et Philippe Gaumont (à 40 ans).

L'intensité de l'effort, l'énorme charge d'entraînement, sans oublier la pratique du dopage ne semblaient pas contribuer à la préservation de la santé des forçats de la route. Mais des chercheurs de l'INSERM se sont intéressés à l'espérance de vie des anciens cyclistes professionnels ayant participé au Tour de France. Cette étude a montré que ces sportifs vivaient 6,3 années de plus que la moyenne de la population masculine. Il ne fallait donc pas tirer de conclusions hâtives de quelques cas sur-médiatisés.

De même, dans le football américain, sport engagé, parfois violent et loin d'être exempt de reproche sur le sujet du dopage, une rumeur persistante laissait croire que l'espérance de vie des anciens pros de la ligue professionnelle américaine (NFL) ne dépassait pas 55 ans. Une étude du très sérieux National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) a montré que cette rumeur n'était pas fondée. Les anciens joueurs de NFL vivraient plus longtemps que l'américain moyen.

A ma connaissance, personne ne s'est encore intéressé à ce sujet concernant les échecs. Seule une étude épidémiologique sur une population suffisamment nombreuse, suivant un protocole scientifique strict, peut apporter un éclairage fiable sur cette épineuse question de l'espérance de vie d'une population aussi particulière.

Chaque existence est unique et il est possible de citer de nombreux exemples démontrant que les joueurs d'échecs vivent longtemps. Citons Mikhail Botvinnik (disparu à 84 ans), Miguel Najdorf (à 87 ans), Vasily Smyslov (à 89 ans) et Andor Lilienthal (à 99 ans). Sans oublier, tous ceux qui, fort heureusement, sont encore parmi nous et poursuivent l'aventure  comme Viktor Korchnoi (83 ans), Mark Taimanov (88 ans) ou encore Youri Averbakh (92 ans) le doyen de nos Grands-Maîtres.

Ce billet est illustré par une photographie de la modeste tombe de Bobby Fischer située à Laugardælir (Islande).

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