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Que le meilleur gagne !

dimanche 28 août 2016

Quelle que soit la discipline sportive, pour que le meilleur gagne, les règles de la compétition doivent limiter la part d'aléas (ou de chance) afin de favoriser l'expression du talent respectif des protagonistes. Ceci s'applique aux sports individuels comme aux sports collectifs. Ainsi, dans la plupart des sports, il est nécessaire de marquer de nombreux points ou de gagner plusieurs sets, manches ou matchs pour prétendre à la victoire. Aux échecs, le facteur chance joue un rôle mineur. Néanmoins, si un joueur amateur accroche parfois le scalp d'un champion, sur la durée d'un tournoi le meilleur joueur parvient à imposer sa supériorité.

Tout sportif essaie de limiter l'aléas par l'entraînement, qu'il soit physique, technique, psychologique, par l'élaboration de tactiques, par l'analyse du jeu adverse. Il s'entoure d'entraîneurs compétents, d'une équipe médicale, de nutritionnistes, de préparateurs mentaux. En d'autres termes, il essaie de ne rien laisser au hasard. L'incertitude du résultat qui séduit souvent le public n'est certainement pas du goût du compétiteur qui apprécie peu que ses efforts soient anéantis par l'imprévisible.

Pourtant, ce qui apparaît comme une évidence ne saute pas aux yeux de tous.

Comme beaucoup d'amateurs d'échecs, je m'intéresse aux autres disciplines sportives, soit en tant que pratiquant, soit en simple spectateur. Chaque sport a ses propres caractéristiques mais de nombreux parallèles sont possibles comme le démontre la fréquente référence faite au jeu d'échecs pour décrire la stratégie mise en place par les compétiteurs des différentes disciplines.

Un été riche en évènements fortement médiatisés m'a permis de porter un regard critique sur l'organisation des compétitions de plusieurs disciplines sportives et plus particulièrement sur la plus populaire de toutes : le football.

Ma passion pour le football a fortement décru au fil du temps. Adolescent, j'étais un fervent supporter mais, peu à peu, l'incohérence de certains résultats avec le spectacle auquel j'assistais m'a éloigné de ce sport. Le football est certainement le sport ou l'expression "contre le cours du jeu" est la plus fréquemment prononcée. En d'autres termes, les règles n'assurent pas toujours la victoire de la meilleure équipe. Je continue à suivre les matchs importants pour rester en phase avec ce phénomène culturel mais les règles de ce jeu et celles de certaines compétitions ont trop de faiblesses pour rendre cette discipline crédible d'un point de vue du résultat sportif. 

Selon des statistiques parues début 2013, 30% des matchs se terminent sur le score de 0-0, 1-0 ou 1-1. Le dernier Euro n'a pas failli à la règle avec seulement 2,12 buts par match en tenant compte des buts marqués pendant les prolongations. Cette moyenne modeste a été pourtant rehaussée par les scores exceptionnels de deux matchs (5-2 et 3-3). Si dans les années 30 la moyenne était supérieure à 4 buts par match, le football demeure un sport à très faible score.

Dès les années 80, les instances internationales s'étaient inquiétées du faible nombre de buts. Certainement, plus par crainte de la désaffection du public que de la réduction de l'aléas sportif. Une réflexion avait été menée sur l'agrandissement des cages mais n'avait pas été appliquée. Seule la passe en retrait au gardien a été réformée mais n'a pas eu d'effet significatif sur le score des matchs. D'autres évolutions tardent à être mises en place comme l'exclusion temporaire ou l'arbitrage vidéo. La popularité du football ne cessant de croître, le conservatisme a prévalu et les règles ont peu évolué. Pourtant, d'autres sports populaires comme le rugby n'ont pas hésité pas à évoluer. Pourquoi modifier les règles d'un sport comme le football, certes imparfait, mais qui remue les foules et brasse des milliards d'Euros.

Un sport à faible score augmente fortement l'aléas car le moindre but revêt une importance capitale. La plus forte équipe ne parvient pas toujours à gagner le match car la difficulté à marquer un but nivelle les valeurs. L'équipe qui ouvre le score a les meilleures chances de vaincre. Les arbitres sont sous forte pression car le destin d'un match est suspendu à leur sifflet. Les surprises sont nombreuses dans les compétitions à élimination directe sur un seul match. Nous connaissons tous le parcours sympathique de modestes équipes composées d'amateurs en coupe de France. David terrassant Goliath est une image qui plait au grand public.

L'Euro, les coupes du Monde ou les jeux Olympiques sont basées sur un système de poules puis sur un système à élimination directe sur un seul match. Ces compétitions très aléatoires car utilisant un format inadapté à un sport à faible score n'ont pas souvent sacré la meilleure équipe. Le système avec match aller-retour utilisé en coupe d'Europe des clubs réduit un peu l'aléas sans toutefois l'éliminer. Seul un système dans lequel un grand nombre de matchs est joué peut limiter l'aléas d'un match perdu accidentellement. C'est fort heureusement le cas pour les championnats nationaux qui utilisent un système équivalent au système "toutes rondes" des échecs.

N'accordons pas une importance excessive aux résultats des compétitions à élimination directe sur un seul match car ce format est inadapté à un sport à faible score comme le football. Ces évènements à la dramaturgie calculée qui plaisent tant au grand public ne doivent être vus que sous l'angle du spectacle sportif. Evitons d'attribuer le titre de "champion" d'Europe ou du Monde au vainqueur de ce type de compétition, il ne peut s'agir que du vainqueur d'une simple coupe.

Aux échecs aussi, plusieurs parties sont nécessaires pour désigner de façon incontestable le meilleur joueur. Pourtant, les échecs ont connu les mêmes errances que le football.

Par le passé, la fédération internationale des échecs (FIDE) a tenté d'attribuer le titre de champion du monde avec un système à élimination directe basé sur un petit nombre de parties (2 parties à cadence lente, puis en cas d'égalité 2 parties en cadence rapide et, cas de nouvelle égalité, départage en blitz). Ce système a introduit un fort aléas car le moindre accident de parcours était souvent fatal. De plus, les cadences rapides favorisaient les erreurs grossières. La conséquence fût l'accession au titre suprême d'outsiders suffisamment éloignés de l'élite mondiale pour que la communauté s'en émeuve. Certains sports supportent de décerner le titre de champion du monde au vainqueur aléatoire de la compétition d'un jour. Fort heureusement, les amateurs d'échecs accordent une vrai valeur au titre de champion du monde.

Après plusieurs années d'errances, la FIDE est revenue à un système moins aléatoire pour décerner le titre mondial mixte (tournoi des candidats, puis match en 12 parties entre le challenger et le tenant du titre). Si on peut regretter que le système ne soit pas ouvert à un plus grand nombre de forts joueurs, la réduction de l'aléas a permis au norvégien Magnus Carlsen, incontestable n°1 mondial, de s'emparer du titre de champion du monde.

Le système à élimination directe perdure néanmoins sous la dénomination "coupe du monde", appellation qu'il n'aurait jamais du abandonner.

Les parties nulles par consentement mutuel ont conduit à l'absence de combat entre adversaires peu belliqueux. Désormais, dans la plupart des tournois, un nombre de coups minimal est nécessaire avant qu'une proposition de partage du point soit possible. L'interdiction totale des parties nulles par consentement mutuel pourrait être une évolution naturelle des règles du jeu d'échecs. Une discipline sportive doit-être capable de vaincre les conservatismes pour adapter sa pratique aux évolutions du jeu.

Ce billet met en exergue une certaine vision du sport. Le sport spectacle a besoin d'aléas pour créer la dramaturgie qui plait au public au détriment de la cohérence du résultat final avec la valeur des compétiteurs. En tant que joueur d'échecs, je suis favorable à la limitation de l'aléas pour favoriser la crédibilité du résultat sportif en permettant aux plus talentueux de vaincre. N'est-ce pas là l'esprit du sport ?

Sur la photographie qui illustre ce billet, Magnus Carlsen, grand amateur de sports, souhaite bonne chance au capitaine du Real de Madrid Sergio Ramos avant le coup d'envoi d'un match en 2013.

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